J’ai ressenti l’attitude de Chantal Sébire comme un geste de colère, comme si elle avait voulu jeter sa maladie à la face du monde. J’ai ressenti de la colère en apprenant la mort de Baba Traoré. Chantal clamait sa révolte devant l’injustice de la maladie, injustice que nous éprouvons tous quand la maladie nous atteint dans notre corps. Voilà peut être le secret de la différence de traitement médiatique entre Chantal Sébire et Baba Traoré : le sentiment de Chantal Sébire nous le partageons facilement, nous reconnaissons bien dans le malade un prochain (du moins s’il est français !) mais en revanche, nous n’éprouvons pas ce même sentiment d’injustice devant l’étranger sans-papiers pourchassé. Pourquoi ? Le considérons-nous vraiment comment un prochain ou comme un lointain pour qui une « mesure d’éloignement » est ce qui nous convient ? Cela mesure notre éloignement de l’aimer! Bien sûr que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, mais remarquez comme c’est curieux, combien nous devenons raisonnables quand il s’agit d’étrangers et peu critiques devant la mise en scène médiatique du « cas » Chantal Sébire. Pourtant la prétention à inscrire dans la loi un droit à mourir (il ne s’agit pas en l’occurrence d’euthanasie mais de suicide assisté) mériterait bien davantage réflexion sur son impact social…
Finalement Baba Traoré aussi s’est « suicidé » mais bien involontairement le malheureux ! Comment sa famille vit-elle cette épreuve, en particulier cette sœur dont il a sauvé la vie ? Et la famille de Chantal Sébire, que pense-t-elle ? Ses enfants ont adressé un message aux médias leur demandant de les laisser vivre leur deuil « dans la paix, la dignité et l’intimité ».
Les circonstances entourant le décès de Chantal Sébire, qui revendiquait un droit à se donner la mort, et celles de Baba Traoré, qui demandait juste qu’on lui permette de vivre, ont un point commun : la violence faite à ceux qui restent.